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Épandage

  • Origine du projet d’épandage

La modernisation de la ville de Paris prend toute son ampleur sous le second Empire, sous l’action du Préfet Haussmann. Cette modernisation comporte un important volet “salubrité publique”, centré sur la lutte contre les épidémies, particulièrement le choléra et la typhoïde. Une rénovation des égouts est effectuée, quintuplant le réseau alors existant.

En 1894, obligation est faite aux propriétaires d’immeubles parisiens de raccorder au “tout à l’égout” l’évacuation des eaux usées et des matières fécales. Mais que faire de ces effluents urbains ? Une expérience antérieure avait été réalisée au Royaume-Uni : l’interposition d’un élément filtrant entre l’égout et la rivière, les eaux usées répandues dans les champs étaient absorbées par le sol, la terre retenant les matières organiques, l’eau ainsi épurée regagnant la rivière et la nappe phréatique.

 

  • Pourquoi Achères

Achères se situe en bord de Seine, en aval de Paris. Sa plaine est sablonneuse, de médiocre rendement agricole (herbages, seigle, céréales). L’État y possède un grand domaine, utilisé sous Louis XIV comme champ de manœuvres militaires (champs de Villars), avec un bois de 800 hectares planté sous Louis XV et consacré à la chasse.

L’idée est de tirer parti du pouvoir fertilisant des eaux usées et de remettre dans la Seine une eau filtrée par le sable. Dès 1876, le Conseil municipal de Paris retient l’idée d’envoyer les eaux d’égout de la ville dans ce terrain, propriété de l’État. Une réserve foncière nouvelle est entreprise par achats successifs sur les terrains de Fromanville et de Garenne. Le bois est coupé. Le 13 août 1882, le Conseil municipal se prononce en faveur du projet d’épandage sur Achères.

 

  • Du côté d’Achères

Dès le 14 mai 1876, le maire Louis Dumont ouvre une pétition à la population contre ce projet d’épandage sur la commune. Les élus régionaux organisent un comité de défense, et le Conseil municipal de la Ville s’oppose. Cette hostilité est renouvelée à l’initiative du maire Jules Basset, le 11 mars 1879.

En 1883, Louis Pasteur souligne la dangerosité bactériologique du projet devant la Société d’agriculture. Le 16 juin 1886, une commission présidée par le préfet Eugène Poubelle visite les lieux pour s’assurer de sa faisabilité.

Le 25 juin, une manifestation hostile réunit la population. Deux jours plus tard, le Conseil municipal valide cette opposition. Un recours est formé le 4 février 1888 devant le Tribunal administratif de Versailles, en pure perte. Les contestations sont closes par la loi sur le principe de l’épandage agricole du 4 avril 1889. Le projet est déclaré d’utilité publique. Les terrains de l’État sont cédés à la ville de Paris pour 20 ans. 

 

  • La mise en place du système

Le 16 juillet 1895, le premier réseau est inauguré en présence du maire Gustave Roboam. Le lendemain, les premiers terrains sont irrigués à la ferme de la Garenne. En 1896, la Ville d’Achères finit par autoriser l’extension du réseau contre un indemnité de 20 000 francs. Le 22 juin 1899, le maire Roboam prend un arrêté qui interdit les épandages à moins de 1000 mètres du clocher. En 1900, le projet initial est terminé. Il se poursuit jusqu’à couvrir 5000 hectares en 1910.

 

  • Le règlement de 1913

A cette date, le Conseil municipal de Paris met en place un règlement d’administration des épandages :

  • Sur les terrains loués pour irrigation, le locataire doit aménager les terres pour éviter la formation des mares stagnantes et faire en sorte d’une distribution uniforme des eaux.
  • Les irrigations seront pratiquées de jour et de nuit, dans un emploi identique prévu sur des plages de 12 heures.
  • Les irrigations doivent être brèves et intermittentes, pas plus d’une fois tous les deux jours sur la même parcelle.
  • Les obligations de la ville de Paris en ce qui concerne la livraison des eaux d’égout s’arrêtent aux bouches d’égout, le reste étant sous la responsabilité du locataire.
  • Il est interdit au locataire de cultiver des légumes ou des fruits poussant au ras du sol et destinés à être mangés crus.
  • Le locataire doit assurer l’entretien de tous les chemins menant aux parcelles, à l’exception de la route centrale. 
  • Le locataire est tenu d’habiter dans le domaine d’Achères ou d’y avoir un représentant agréé.
  • Le locataire devra assurer aux ouvriers des salaires égaux aux prix moyens de la région.

 

  • L’extension des épandages aux agriculteurs locaux

Initialement, les épandages sont effectués sur le seul domaine de la ville de Paris (l’État lui a donné définitivement, en 1924, les terrains concédés) par les locataires en fermage. Mais les cultivateurs achérois peuvent, s’ils le souhaitent, être raccordés au système d’épandage, ce qu’ils ne manquent pas de faire, car le rendement est meilleur, les productions plus variées (choux, poireaux, artichauts, céleris, pommes de terre…), et les récoltes ont lieu deux fois par an. 

 

  • L’évolution à partir de 1927

Plusieurs facteurs modifient le système initial. D’abord la population parisienne est en forte croissance. Puis une meilleure hygiène fait augmenter la consommation d’eau courante, rendue accessible par le captage de différents puits artésiens et rivières, et délivrée par un important réseau de canalisation. L’eau du robinet devient accessible à la plupart. La quantité des eaux usées s’accroît donc. Les épandages ne suffisent plus à absorber le nouveau volume, le parc agricole n’étant pas extensible.

D’autres dispositifs sont alors envisagés. Un nouveau programme d’assainissement est conçu en 1927, comportant le recours à une station utilisant le système des boues activées. Achères est retenue pour l’implantation de la première unité, en 1937, du fait d’une densité de population moindre qu’en proche banlieue. L’épandage et la station d’épuration vont coexister.

 

  • La fin des épandages

La nature des eaux usées va se modifier avec l’industrialisation. Aux matières organiques initiales se joignent des détergents, de l’azote et du phosphore, des métaux lourds, entraînant une contamination presque généralisée des sols où sont pratiqués les épandages. Les autorités publiques prennent alors des mesures de protection. Un arrêté préfectoral du 1er juin 1999, succédant à un avis du Conseil supérieur de l’hygiène publique préconisant l’arrêt des épandages et celui des cultures sur les terrains concernés, interdit les légumes destinés à la vente, conservant toutefois une possible culture à l’usage personnel des maraîchers. L’épandage est interdit la même année. Un arrêté du 31 mars 2000 interdit toute culture légumière dans la plaine d’Achères.